Hollow Knight: Silksong

Hollow Knight: Silksong
par LupusVII

Le petit clown a pris sa retraite, Hollow Knight: Silksong est enfin sorti ! Comme des centaines de milliers de personnes, je me suis jeté dessus comme un malpropre, pour me faire rosser par un jeu difficile, avec l’espérance d’y trouver une satisfaction. Si vous n’avez jamais touché à un jeu vidéo de votre vie, promis, ce n’est pas aussi malsain que ça en a l’air.

Nous sommes à peine 24h après la sortie officielle du jeu tant attendu et si nous n’avons pas encore de chiffres officiels, on peut déjà annoncer que c’est un carton puisque le jeu a tapé la barre astronomique des 562 000 joueur·euses simultanées. Entre les ventes Steam, GOG, Nintendo, PlayStation et sa disponibilité - même partielle - sur le Gamepass de Microsoft, aucun doute que le studio australien de Team Cherry peut se la couler douce pendant quelques décennies et ils ont bien raison !

Un peu de contexte

Dans cet opus, nous incarnons Hornet, un personnage déjà connu dans Hollow Knight puisque nous l’affrontons à deux (ou trois) reprises. Des combats aux patterns très appréciés par la communauté tant ils sont élégants et difficiles. Incarner Hornet nous laisse penser que nous serons capables d’autant de grâce dans nos déplacements.

Dans l’introduction, après un petit poème que les fans décortiqueront, nous retrouvons Hornet, emprisonnée dans un convoi, en direction d’on ne sait où. La cage semble la priver de ses capacités, son aiguillon n’est heureusement pas très loin. Quand un phénomène lui permet de retrouver une partie de ses pouvoirs et de se libérer, non sans une chute dramatique. Acte I. Pharloom. Me voilà pris.

Cette première cinématique est l’occasion de nous coller une première baffe visuelle. Tout est d’une finesse à tomber par terre. Si le premier Hollow Knight était déjà très envoutant, le step-up est impressionnant. Et même en jeu, la différence est notable. La mousse sur laquelle on est bouge, la robe d’Hornet tournicote en marchant, son demi-tour est raffiné, tout fulmine de détails. Je vous invite à y prêter une attention particulière !

La première zone, Moss Grotto, sert évidemment de tutoriel, pour apprendre à se déplacer, à sauter, à se soigner, à utiliser l’aiguillon de différentes manières, à s’agripper aux rebords, de collecter nos premières ressources. Le B.a.-ba du Metroidvania. On affronte assez vite notre premier boss, rite de passage avant notre premier village. On est à la maison.

More of the same?

A la base prévue comme une extension, Hollow Knight: Silksong a été par la suite développé comme un jeu à part entière. La problématique d’une suite est de se différencier des opus précédents, tout en les respectant, dans leurs mécaniques, histoires, esthétiques. Un exercice de funambule donc.

D’apparence, on retrouve tout ce que l’on a aimé dans Hollow Knight. L’exploration, les combats, les pics de difficulté et de frustrations, suivi du pic de satisfaction d’avoir compris le rythme d’un obstacle ou d’un boss. Puis viennent les distinctions. Vous avez déjà la mécanique la plus évidente du piqué en diagonale. Lorsque vous attaquez vers le bas, vous attaquez en piqué sur une courte distance, suivant un angle de 45°. C’est très esthétique, mais c’est vraiment un mouvement difficile à prendre en main. Le jeu n’est pas avare en zones d’apprentissage cela dit.

Pour les confrontations, tout se déroule selon le même schéma, avec des créatures différentes, que l’on apprend à gérer petit à petit. La difficulté est montée d’un cran à mon sens. Il y a de nombreux trashmobs (des créatures présentes sur vos trajets) qui vont vous donner pas mal de fil à retordre.

Dans les mécaniques qui ont été améliorées, j’apprécie particulièrement qu’Hornet soit plus réactive. Il n’y a plus d’inertie sur son déplacement et cela permet de se placer avec beaucoup plus de précisions. Les sauts me semblent également plus précis, normal, car le gameplay d’Hornet est bien plus aérien. Le soin est par ailleurs une mécanique d’amélioration pour moi. Chaque soin peut restaurer 3 points de vie, au prix d’un chargement un peu plus long, mais qui peut être actionné en l’air ! Un changement bienvenu, qui permet certaines temporisations importantes.

Plus d’âmes à collecter, il y a deux nouvelles ressources plus concrètes, des éclats et des perles. La première est un matériau de craft, facile à obtenir, et conservés quand on trépasse. La seconde fonctionne comme les âmes, on en récupère pour acheter des objets et on peut les perdre à la mort de notre personnage. Sur ce dernier sujet, cela fonctionne de la même façon, quand on meurt, un cocon de soie se trouve à l’endroit de notre mort et l’actionner nous redonne nos perles et nous recharge en soie (l’équivalent du mana). J’apprécie le fait de ne pas avoir à “battre” notre ombre pour récupérer notre dû.

Une nouveauté que j’ai appréciée est le fait de pouvoir “stocker” ses perles dans des chapelets. On peut les consommer alors pour récupérer nos perles, en temps voulu. Cela entraîne une perte de 25% des perles dans le process, mais bon, avoir un prix à payer ne me choque pas plus que ça, quand on peut conserver l'objet à la mort de notre personnage.

Chaque zone fonctionne de la même manière. On avance en découvrant les mobs, les obstacles, les plateformes et au bout d’un moment, on est récompensé·es avec un raccourci qui nous évite un nouveau trajet. On retrouve nos traditionnels bancs pour se reposer et activer un checkpoint bienvenu.

Vient ensuite le boss de la zone, un moment d’humilité bien souvent, puisque le premier contact se résume à un enchainement de trois coups qui vous renvoient au banc le plus proche. Et l’inévitable boucle d’essais, qui, selon votre patience et résilience, vous donne envie d’envoyer votre bureau contre le mur. Certains boss proposent d’ailleurs un PNJ pour vous assister, ajout bienvenu, même si la lisibilité du combat en pâtit un peu.

Hollow Knight: Silksong arrive à créer beaucoup de petites différences par rapport à son ainé. Cela demande presque de désapprendre ce que l’on a durement acquis dans Hollow Knight ! Un sentiment que personnellement, j'apprécie, malgré la difficulté.

Toutefois, entre les mécaniques inchangées du premier opus et les nouvelles, il y a parfois des impairs qui me font faire la grimace.

Héritage imparfait et équilibrages douteux

Comme on l’a dit plus haut, faire une suite implique de respecter ce qui a été mis en place avant. Faire un contre-sens sur une mécanique, sans justification, n’est ni compris, ni apprécié par ses adeptes.

Malheureusement, on retrouve des mécaniques peu intéressantes ou peu intuitives, importées quasiment à l’identique du premier. Par exemple, la carte a été longuement critiquée dans Hollow Knight, et n’a absolument pas été touchée dans le second. On retrouve les mêmes marqueurs beaucoup trop gros pour avoir une précision quelconque. Ces mêmes marqueurs que l’on ne peut nommer ou rattacher à quelque chose de spécifique, et qu’on oublie si on a le malheur de ne pas toucher au jeu pendant une semaine.

Si l’exploration a toujours été une composante importante dans Hollow Knight, je trouve que le jeu est avare en bancs et autres checkpoints. Il peut se passer de longs moments où vous devez franchir des obstacles, passer des arènes, parfois les deux combinés. Cela demande une endurance qui à mon sens n’est pas nécessaire pour apprécier le jeu. D’autant plus que lorsque vous trouvez un banc, il faut souvent payer en perles son usage. Une mécanique qui existait déjà par moments dans Hollow Knight mais qui a été systématisée ici.

De même, de nombreux éléments majeurs se trouvent derrière des murs cassables. Si cacher des choses est le chic du Metroidvania, abuser de la mécanique pour des aides importantes, surtout au début, me semble être un équilibrage douteux et un choix rendant l’aventure peu accessible.

On retrouve une mécanique que j’ai personnellement détestée : toucher un ennemi nous fait perdre 1 ou 2 PV systématiquement. Quand le design d’un ennemi est explicitement dangereux, je comprends, mais quand une créature plus petite nous frôle, je trouve que cela pète l’immersion, d’autant plus quand le nombre de PV est peu élevé.

Par moments, il y a des combinaisons extrêmement frustrantes et inévitables. Par exemple, un boss vous frappe et vous fait tomber hors des pics. Vous prenez 2 PV de dégâts par le coup + 2 PV pour la chute. Donc si vous n’étiez pas aux PV max, c’est game over. Et ce n’est pas un exemple isolé, ça arrive contre plusieurs boss d’avoir des soucis de décor, de gestion de la hitbox, de frames d’invincibilités…

Dans les nouvelles mécaniques que je trouve bien, mais qui sont associées à une situation nulle, l’interruption de soins. Lorsque vous lancez un soin, Hornet se fige et vous perdez votre jauge de soie. Si vous vous faites toucher, non seulement votre soin est interrompu, mais vous perdez les PV ET vous ne récupérez pas votre soie. Donc c’est tout perdu. Pour peu que le coup vous enlève 2 PV, cela peut vous flinguer un combat.

Le grind, cette mécanique qui consiste à refaire la même chose pour récupérer des ressources, est régulièrement utilisé ici. Sans être un réel problème, ce n’est juste pas intéressant comme temps de jeu.

Enfin, si l’ajout de petites quêtes ici et là est intéressant, leur exécution est plutôt mauvaise, car cela consiste majoritairement à aller collecter une ressource dans la zone et la ramener. Une sorte de backtracking ennuyeux, qu’apprécieront peut-être les personnes voulant juste prolonger leur séjour à Pharloom.

Si tout n’est pas parfaitement objectif, il y a de nombreuses choses qui ne sont pas insolvables ou qui auraient pu être corrigées avant la sortie, on en reparle un peu plus loin.

Un développement à huis clos

Vous le savez probablement, Hollow Knight: Silksong n’a donné que très peu de nouvelles tout au long de ses sept années de développement. Des attentes trop lourdes pour un petit studio, Team Cherry a préféré se focaliser sur leur création plutôt que de communiquer à son public, toujours plus exigeant.

Aucun leak, aucune information n’a filtré, en dehors des communications du studio. La presse n’a également pas eu accès au jeu en avant-première, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, mais cela donne une impression d’assurance dans la proposition offerte.

Tout comme une relation figée dans le passé, une fois le temps des retrouvailles terminée, vient alors un constat : est-ce que ce jeu a été testé ?

Alors bien sûr qu’il a été testé. Aucun jeu n’est livré sans avoir fait de tests. Mon interrogation se trouve sur l’échantillon de tests qui a été effectué. Car tous les choix du studio que j’ai listé plus hauts sont facilement identifiables avec une centaine de personnes. Internet est rempli d’avis de quelques heures de jeu, se plaignant d’un côté trop exigeant, trop punitif. Même si l’intention de l’œuvre est effectivement de proposer une aventure plus ardue qu’Hollow Knight est envisageable, le problème est qu’on n’en sait absolument rien.

L’absence de communication de la part de Team Cherry ne permet pas de comprendre cette intention. De comprendre ces choix. Même si c’est leur droit, cela entraîne une frustration du côté du public. La seule communication du studio concerne la traduction désastreuse en chinois simplifié, qui a occasionné un review-bombing d’une rare ampleur sur Steam.

Une phase de beta-test est une méthode simple et efficace pour équilibrer un jeu. Il ne s’agit pas de modifier l’intention derrière un titre, mais de le rendre plus accessible. Cela permet d’ajuster l’expérience des usagers, en contrôlant notamment la courbe de progression.

Où est ma progression ?

C’est le reproche majeur que je ferais à Hollow Knight: Silksong. Tous les autres points sont des gènes, mais ensemble, ils créent une sorte de malaise plus global. Quand est-ce qu’on s’améliore ?

Ne vous y trompez pas, je sais pertinemment que l’amélioration est majoritairement liée à notre compétence propre. C'est-à-dire, c’est nous, avec nos connaissances et notre dextérité, qui nous améliorons. Mais on a besoin également – à mon sens – d’améliorations mécaniques. Augmentation de vie, de dégâts, nouvelles compétences. Le simple fait de pouvoir passer plus facilement les créatures du début donne un sentiment de progression.

Malgré la classe et le charisme d’Hornet, on reste pendant 10 heures le même insecte avec la même force offensive et la même barre de vie. Et si on s’améliore de notre côté, la progression de notre protagoniste tarde à venir. Et cela a des conséquences sur tout notre ressenti, car en attendant, le jeu, lui, se complexifie.

Par exemple, de nombreux boss sont ce que l’on appelle des sacs à PV. Ils ne sont pas spécialement durs, et leurs attaques s’apprennent, mais leur vie fait que le combat traîne inutilement en longueur et entraîne fatalement son lot d’erreurs et de difficultés non nécessaires. Je ne dis pas qu’il faut que l’on puisse buter des boss en cinq coups, mais peut-être qu’un combat de boss parfait ne devrait pas durer plus de trois minutes. Cela aurait pu facilement être réglé avec une vie plus basse ou des dégâts plus élevés.

De même, les bancs trop éloignés sont un héritage du premier opus. Devoir courir deux minutes pour aller jusqu’à un boss, éviter ou affronter des trashmobs qui ne deviennent pas plus faciles même en ayant quasiment fini une zone, c’est laborieux. On sort du fun assez rapidement pour souffler très fort, et essayer une nouvelle fois.

Pour un premier jeu, on a pardonné beaucoup de choses à Hollow Knight. La découverte de l’univers surpassant ces difficultés. Je trouve toutefois que remettre ces mécaniques dans leur suite est une incompréhension d’une partie du public. Si Team Cherry n’a pas tellement fait évoluer sa formule, le public a quant à lui profiter d’autres jeux, plus accessibles et plus respectueuses de leur temps, avec des mécaniques de voyage rapide ou des checkpoints à proximité des boss.

Bon, du coup, je le prends ou pas ?

Allez, il est temps de conclure. Vous pensez peut-être que je déteste ce jeu, vu la liste de reproches que je viens de vous donner. Eh bien non, plot twist, je trouve qu’il est loin d’être parfait et qu’il souffre de problèmes d’équilibrage, mais comme son frangin, il a des qualités qui pondèrent très largement tout cela.

Le step-up artistique est la plus grande raison pour laquelle Hollow Knight: Silksong est un bon jeu. Que ce soit visuel ou auditif, tout est d’une finesse remarquable. Chaque créature est d’une mignonnerie dingue, même les plus dégueulasses. La médaille revient au moyen de transport qui me fait fondre à chaque rencontre.

Je n’ai pas encore tout fait, mais j’ai déjà eu mes premiers pics de satisfactions, mes premiers cris de joie sur un combat de boss difficile. Comme son prédécesseur, fort est de constater qu’Hollow Knight: Silksong ne me laisse pas indifférent.

Ma seule déception est que tout ce que je critique aurait pu être réglé avec davantage de tests. C’est loin d’être irrattrapable. Le jeu n’en sera que meilleur ensuite. J’ai du mal à croire que des patchs n’arriveront pas dans un futur plus ou moins proche.

Nous ne l’avons pas évoqué, le jeu vaut - plein pot - la modique somme de 20€. Même si le prix n’est pas un justificatif pour oublier des choix discutables, il n’en reste pas moins très attractif pour se jeter sur le jeu, se faire son avis et apprécier les mises à jour à venir. Ou alors, vous pouvez patienter et le prendre lorsqu’elles seront publiées. Toujours est-il que c’est le genre de jeux qui trouve sa place dans de nombreuses bibliothèques, que vous soyez adepte de Metroidvania ou non. Et ça, c’est fort.

LupusVII