Clair Obscur: Expedition 33

Clair Obscur: Expedition 33
par CekterDown

À l’ombre des jeunes filles en fleur

C’est incroyablement intimidant et extrêmement compliqué de parler d’un jeu qui a déclenché une telle hype. Surtout quand on l’a bien aimé sans plus…

Ok, je l’ai dit. J’ai moyennement aimé Clair Obscur. Je n’ai certes pas adoré Clair Obscur, et je ne trouve pas que ce soit un jalon dans le jeu vidéo, ni même une révolution dans le J-RPG.

Entendons-nous bien, le jeu est vraiment réussi : l’univers proposé est très beau, l’ambiance Paris Belle Époque / Post-Apo est originale et bluffante, la musique est belle pour peu qu’on apprécie les genres proposés, et le doublage français, même s'il est inégal, fait le job.

D’un point de vue gameplay, on alterne entre trois phases très classiques du J-RPG : exploration (sur une zone globale ou dans une zone instanciée), combats, cinématique qui fait avancer l’histoire. Et on recommence.

C’est efficace et ça fonctionne plutôt bien, même si l’alternance de ces trois phases est un peu difficile graphiquement sur le rendu des personnages (mais étrangement pas pour les décors, comme quoi…).

Ajoutez à tout ça, un système de camp de base à la Baldur’s Gate 3 (où on peut discuter avec les membres de notre équipe, mais aussi avec des PNJs alliés qui nous y rejoignent) ainsi qu’un système de combat que l’on appellera tour par tour actif (où on nous demande d'enchaîner QTE, parades et esquive parfaites comme dans un Souls-like).

En parlant de Souls-like, on retrouve également le principe des feux, ici des drapeaux des précédentes expéditions, qui vous permettent de refaire le plein de santé et de soins au prix du repop des mobs de la zone. L’ensemble bouge bien et tourne bien (même sur Steam Deck), pour peu que vous respectiez la puissance de votre machine.

Et c’est beau. Genre pas un peu beau comme ça, mais réellement beau. Les lieux sont variés, grandioses pour la plupart, certains sont même totalement soufflants. C’est un plaisir pour les yeux. C’est aussi, comme dit plus haut, un plaisir pour les oreilles. Les bruitages, les musiques, tout est très bien intégré et colle au thème et à l’ambiance.

Bon c’est quoi le souci alors ?

Effectivement, sur le papier et manette en main, tout semble parfait. Mais voilà, mon esprit est ainsi fait qu’il ne peut s’empêcher de chercher la petite bête. Accrochez-vous, parce que cette petite bête va faire quelques lignes quand même.

Clair Obscur est un grand agrégateur. Pour le gameplay, c’est un J-RPG auquel on a rajouté du Sekiro et saupoudré de Baldur's Gate 3 pour les camps, de Tales of, des Trails, etc. Bref, avec un peu de culture J-RPG, vous avez une ref par minute (oui, j’exagère).

Pour l’histoire, c’est un mélange de plusieurs intrigues et morceaux de lore piochés un peu partout, à laquelle s'ajoute un drame familial tellement « bourgeoisie française » qu’il fait rouler des yeux le gauchiste de 2025 que je suis. Bon, le fait est que ça fonctionne, même si c’est à la fois trop appuyé chez les protagonistes, et trop immédiatement exposé pour les joueureuses.

Petit comparatif avec Nier Automata : dans Nier, la situation est dramatique et l’ambiance est lourde, mais nos protagonistes semblent extrêmement froids par rapport à ce qui arrive (bon en majeure partie parce que ce sont des androïdes). Ce n’est qu’au fur et à mesure du jeu qu’ils ressentiront de plus en plus de choses. Leur évolution fait écho à la nôtre. En tant que joueureuse, on débarque dans un monde qu’on ne connaît pas et on n’est pas encore impliqué. L’attachement vient au fur et à mesure que l’on progresse dans l’histoire.

Dans Clair Obscur, il n’y a pas cette montée en puissance : on nous jette du larmoyant dans les premières secondes et un drame dans les 10 premières minutes. Du coup, on peut être rapidement en mode “vu et s’en tape”, puisqu’on n'a pas eu le temps de s’attacher. Même chose lors de grandes retrouvailles, ça a l’air très important pour les protagonistes, mais en tant que joueur, c'est un personnage que j’avais vu 30 secondes il y a 10 heures, donc bof quoi.

Cette dissonance, entre l’exposition – à mon avis – trop succincte et ce qui arrive aux héros, donne une impression de trop tout en ne faisant pas assez (difficile d’en parler sans spoiler). Imaginez une volonté de grandiloquence très cool comme on peut en avoir dans les Shin Megami Tensei, mais avec un scénario qui se retient un peu d’y aller à fond ! Et c’est du coup terriblement frustrant par moment, au point où on a envie d’attraper certains personnages pour les secouer (signe également que leur écriture est réussie). Cela dit, il y a également des moments de comédie vraiment très sympa, même si trop rares.

Faut-il pour autant le rejeter ?

Bien sûr que non. Comme dit, la réalisation est bonne, le gameplay est efficace, l’histoire se suit bien (même s'il y aurait beaucoup à dire sur le message, mais on n'est pas là pour spoiler). Pour toute personne découvrant le genre, il sera très plaisant. Et les modes de difficultés pourront même faire accrocher au genre des joueur⸱euses qui trouvent les J-RPG trop passifs (ce en quoi iels auront raison, soyons honnêtes).

C’est donc principalement l’histoire qui m’a posé problème dès le début, par son aspect trop-plein de pathos dans ses situations et parfois d’un peu d’immaturité dans sa narration. La suite n’aura fait que renforcer cette première impression. Mais au-delà de ce sentiment très personnel, on est en face d’un jeu très beau avec un gameplay fluide et agréable. C’est franchement déjà pas mal !

En résumé, Clair Obscur: Expedition 33 est un bon J-RPG. Il est clairement dans le haut du panier du genre, et probablement un de ceux qui en mettent plein la vue. Toutefois, il est aussi, comme la série de livres Harry Potter en son temps, un condensé d’inspirations trop visibles et de facilité scénaristiques. Cependant, je rappelle qu’il s’agit du premier jeu de ce studio, donc on pardonnera aisément les quelques maladresses.